Nernier Vert : mémoire en réplique

SELARL FAVRE DUBOULOZ COFFY

AVOCATS

Case Palais 18
8, Rue Charles Dupraz
74100 ANNEMASSE
Tél : 04.50.92.75.42    Fax : 04.50.92.72.52
E.mail contact@fdcavocat.fr

JLF/CO – 209374

Tribunal Administratif de GRENOBLE

N° 2104764-1

MEMOIRE EN REPLIQUE

A Madame la Présidente et Mesdames et Messieurs les Conseillers composant le Tribunal Administratif de GRENOBLE

POUR :

L’ASSOCIATION LOI 1901 DENOMMEE « NERNIER VERT » dont le siège social est à 74140 NERNIER 75 quai des dériveurs, représentée par son Président en exercice Monsieur BÄCHTOLD, demeurant à 74140 NERNIER,

Ayant pour Avocat Maître Jean-Luc FAVRE, Avocat au Barreau de THONON, SELARL FAVRE DUBOULOZ COFFY, domicilié 8 rue Charles Dupraz, 74100 ANNEMASSE, (Tél : 04.50.92.75.42 / Fax : 04.50.92.72.52/ Mail : contact@fdcavocat.fr), lequel se constitue sur la présente demande et ses suites

CONTRE :

La COMMUNE DE NERNIER, département de la hte-SAVOIE représentée par son Maire en exercice, demeurant en cette qualité à la Mairie de NERNIER (74140) sise 14 route de la Mairie

Ayant pour Avocat la SCP MERMET & ASSOCIES, Avocat au Barreau de THONON LES BAINS et d’ANNECY (74000), demeurant 2 rue Alfred Bastin – 74100 ANNEMASSE

INTERVENANTE VOLONTAIRE

La Société IMAPRIM, SASU immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Chambéry sous le numéro B 493 917 652, représentée par son Président en exercice, Monsieur Olivier GALLAIS, 121 Allée Albert Sylvestre – 73000 CHAMBERY

Ayant pour Avocat Maître Jean-Marc PETIT Avocat au Barreau de LYON (69455), Associé de la SELAS ADALTYS AFFAIRES PUBLIQUES, membre de l’AARPI ADALTYS, Demeurant en cette ville 55 boulevard des Brotteaux


PLAISE AU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

Par requête présentée directement le 6 juillet 2021, l’Association « NERNIER VERT » demande au Tribunal d’annuler la décision prise par le Conseil Municipal de la Commune de NERNIER le 05 mars 2021 par laquelle elle a décidé par 8 voix contre deux de procéder à la désaffectation des parcelles cadastrées Section A 153 – 154 – 155 – 156 – 157 et 143 d’une superficie totale de 951 m² et de prononcer leur déclassement du domaine public communal en vue de leur transfert dans le domaine privé de la Commune.

Cette délibération s’inscrit en réalité dans un très lourd contentieux politique et électoral suscité par la vente consentie à la Société IMAPRIM de l’ancienne école communale et la parcelle de terrain appartenant au domaine public et privé de la Commune de NERNIER pour entreprendre un programme immobilier qui va rencontrer une hostilité de la majorité de la population et de plus de 2000 signataires d’une pétition publique montrant ainsi le rattachement à ce village pittoresque de la rive savoyarde du lac Léman et justement dénommée « Perle du Léman ».

La Société IMAPRIM a aussi acquis des terrains à bâtir appartenant à la famille de LEUSSE, plus gros propriétaire foncier de la Commune afin de prolonger son programme immobilier par la construction de villas individuelles.

Ensuite d’une démission de la majorité du Conseil Municipal qui avait été élu pourtant avec la Maire, Madame Marie-Pierre BERTHIER, la majorité des électeurs ont désavoué la Maire de la Commune mise en minorité sur l’enjeu de l’élection partielle d’octobre 2020.

La Société IMAPRIM va exercer une pression considérable sur les nouveaux élus pour les convaincre de revenir sur le premier vote s’étant opposé au déclassement des parcelles et pour l’adopter finalement le 5 mars 2021.

Devant cette trahison de leur vote, de nombreux habitants de la Commune de NERNIER se sont réunis en association dès le 26 avril 2021 pour défendre l’intégralité de l’environnement de leur village.

Aux arguments des opposants, la Maire, la famille de LEUSSE et la Société IMAPRIM vont tenter de trouver des parades notamment pour tenter de compenser la perte de stationnement public, pourtant essentiel non seulement pour les résidents du village mais également pour les très nombreux touristes le visitant.

Il va apparaître qu’après des solutions provisoires, les solutions alternatives proposées pour affecter directement et à grand coût les zones agricoles ou boisées de la Commune renforçant ainsi la légitime inquiétude de l’Association et de très nombreux habitants ou amoureux du village de NERNIER.

L’Association « NERNIER VERT » demande aussi au Tribunal d’annuler la promesse de vente du 07 mai 2017 passé entre la Commune et la Société IMAPRIM.

I – FAITS, CONVENTIONS, DELIBERATIONS ET COMMENTAIRES

L’Association requérante souhaite «éclairer la discussion par l’historique du projet litigieux et les conséquences qu’il aura sur la vie publique, cause même de son engagement.

  1. I – 1. LE VILLAGE DE NERNIER

Le village de NERNIER est riverain du Lac Léman et comprend 409 habitants.

Avec YVOIRE, il est l’un des deux villages médiévaux voir les plus d’emblématiques et touristiques du Chablais savoyard.

Connu comme le « village des peintres », il a accueilli entre autres Alphonse DE LAMARTINE, Mary SHELLEY ou le peintre Enrico VEGETTI.

Ce village, emblématique de la région et longtemps foyer artistique, fait l’objet d’un attachement profond des habitants de la région, notamment de Genève et du Genevois et le Chablais savoyard.

Il constitue donc un véritable patrimoine régional qui aurait justifié une protection spécifique permettant d’éviter non seulement l’enlaidissement auquel tente de résister l’Association requérante mais également la perte d’une partie de son environnement naturel que le projet litigieux va transformer en parking.

Son urbanisme est en effet typique d’un village médiéval dont il a conservé l’organisation.

La famille de LEUSSE, propriétaire du château situé en limite du village médiéval, possède historiquement la majorité des terrains qu’elle a en partie vendus sous forme de lotissement.

Les plans d’urbanisme successifs s’étaient évertués à conserver des dispositions spécifiques pour préserver les espaces naturels, les sites, les paysages et l’équilibre écologique du littoral en résistant à la très forte pression foncière qui s’exerce dans le territoire dit du « Grand Genève », en particulier dans le secteur du Canton de DOUVAINE qui a vu se transformer par exemple les Communes de LOISIN, VEIGY-FONCENEX, CHENS-SUR-LEMAN ou MESSERY.

Depuis la création de la Communauté de Communes « Thonon Agglo », le territoire communal est régi par le PLUi qui a pérennisé la constructibilité du secteur dit de « BOREE » et étendu les possibilités d’urbanisation à des terrains très proches.

La vie politique elle-même a été particulièrement agitée pendant les deux mandats de Madame Marie-Pierre BERTHIER qui aura vu de nombreux colistiers démissionner et provoquer ainsi des élections partielles, jusqu’à sa récente démission.

Le projet immobilier litigieux va encore perturber la vie locale, provoquer des démissions du Conseil Municipal et une élection traduisant la volonté de la majorité d’électeurs à désavouer leur Maire.

  1. I – 2. LE PROGRAMME IMMOBILIER LITIGIEUX

Le secteur concerné dit de « Bornée » est un ilot situé à l’extérieur du village historique et limité par trois voies publiques notamment celle « de la Croix de Marcille » la séparant du château et le chemin de Péreuse situé en amont, limite antérieure de la zone constructible et aujourd’hui étendue par le PLUi sur des terrains appartenant à la famille de LEUSSE.

(Pièce n°14)

Ce secteur fait l’objet d’une orientation d’aménagement et de programmation du PLUi du Bas Chablais dénommé « NER 5 » d’une superficie de 11400 m² pour une densité de 40 logements / ha.

(Pièce n°13)

Les Consorts de LEUSSE sont propriétaires avec la Commune de NERNIER des immeubles classés en Zone 1 AUC sur laquelle la Société IMAPRIM a obtenu deux Arrêtés de permis de construire, 2 immeubles collectifs et 8 villas individuelles.

Le projet d’immeuble collectif est situé en bordure de voie publique, formé de deux ensembles immobiliers, l’un affecté à des logements sociaux (ancienne école), l’autre à 29 logements privés dont les prix annoncés seraient d’environ 5.000 / 6.000 € / m² et composé de 39 logements. Le permis de construire a été accordé le 18 juin 2019, modifié le 29 août suivant.

Singulièrement, le projet immobilier couvre :

– les deux bâtiments collectifs sur les terrains issus du domaine public de la Commune

– les six villas individuelles sur le terrain vendu par la famille de LEUSSE.

On observera incidemment que l’urbanisation des parcelles disponibles de l’ilot de « Bornée » avait déjà été envisagée par des plans d’urbanisme antérieurs mais adoptait une organisation foncière cohérente permettant de prolonger le village historique, de l’autre côté de la voie publique, entre l’ancien bâtiment de la poste et l’ancienne école, appartenant tous deux à la Commune. Cette organisation préservait les terrains actuellement à usage de parking, longeant la rue de la Croix de Marcille ainsi la cohérence de l’enveloppe du village historique. Le choix actuel, qui a choqué la population, permet le surplomb du village historique par le projet de l’immeuble collectif principal.

  1. I – 3. LA PROMESSE DE VENTE DES BIENS COMMUNAUX

Suivant acte reçu par Maître Christian VERDONNET, Notaire associé à Annemasse, le 7 mai 2018, la Commune de NERNIER a promis de vendre à la Société IMAPRIM :

– l’ancienne école, supprimée ensuite du regroupement opéré avec celle de la Commune de MESSERY dans le cadre d’un SIVOM qu’a décidé de quitter Madame la Maire Marie-Pierre BERTHIER.

– les parcelles cadastrées sous les numéros 143, 153, 154, 155, 156, 157 et 314 acquises principalement par la Commune entre 1962 et 2015, affectées principalement à une destination de parking public en étant portées, pour certaines d’entre elles, par l’Etablissement Public Foncier de la hte-SAVOIE.

Aux termes de cet acte, il est précisé que l’ancienne école cadastrée sous les numéros 139, 140 et 314 d’une surface de 1146 m² devra faire l’objet d’un permis de démolir.

Sur cette parcelle, le bénéficiaire de la promesse doit construire 9 logements sociaux étant précisé que selon les prescriptions du PLUi du Bas Chablais, la Commune de NERNIER doit attendre 20 % de logements sociaux.

Le prix global des biens communaux a été fixé à la somme de 750.000 € sur le lequel la Société IMAPRIM s’était obligée à remettre un cautionnement bancaire de 37500 €.

Il est précisé dans l’acte qu’au visa de l’article L. 21, 21-25 du CSGCT, la délibération autorisant la vente a pu être prise sans l’avis du Service des Domaines du fait de la population locale inférieure à 2000 habitants.

La promesse devait être levée et l’acte de vente réalisé avant le 30 juin 2019

En particulier, devait être levée la condition suspensive suivante :

« Déclassement des biens dépendant du domaine public de la Commune et le reclassement dans le domaine privé de la Commune.

Le représentant de la Commune de NERNIER, promettant aux présentes, s’engage à porter à l’ordre du jour du Conseil Municipal, toute décision et formalités nécessaires au déclassement de tous les biens vendus en vertu des présentes, dépendant du domaine public de la Commune et le reclassement dans le domaine privé de ladite Commune, préalablement à la vente définitive qui réitérera les présentes et à produire à Maître VERDONNET, Notaire rédacteur, tous justificatifs, procès-verbaux et constats qui auront été établis à cet effet« 

(Pièce n°11 page 17)

Le précédent Conseil Municipal qui avait accepté l’offre de la Société IMAPRIM justifiée par sa prise en charge de la construction de 9 logements sociaux se substituant à l’ancienne école vendue pour le prix dérisoire de 50.000 €.

Incidemment, il est mentionné que la Commune de NERNIER connaît en effet un retard de mise à disposition de logements sociaux et que la majorité de la population est, comme les membres de l’Association « NERNIER VERT », favorable à leur mise en œuvre. Elle avait d’ailleurs observé que de nombreuses Communes du département de la hte-SAVOIE sont concernées par la même problématique et mettre à disposition gratuite, des terrains à des organismes de construction de logements sociaux sans céder leur domaine public pour des opérations de promotion immobilière privée.

La Société IMAPRIM sera même bénéficiaire de ce montage dans la mesure où elle ne supporte pas la charge foncière des logements sociaux qu’elle a promis d’édifier pour les céder ou concéder à tout organisme para public dont c’est l’objet social.

  1. I – 4. L’EMOTION PUBLIQUE

Quand le projet de la Société IMAPRIM sera dévoilé au public, celui-ci va faire l’objet d’une énorme émotion publique caractérisée par :

– une pétition lancée le 20 avril 2020 dénommée « Sauvons NERNIER, agissons ! village bientôt défiguré par un projet immobiliers démesuré au Centre du village », rassemblant à ce jour plus de 2000 signatures

– 485 commentaires défavorables sur le Site Facebook laissant apparaître la volonté du public, dépassant largement la population de NERNIER, de préserver ce village qui ne peut être dénaturé.

(Pièces n°15-1 et 15-2)

La pétition dénonce la disproportion du projet tant sur le plan architectural que démographique, sa situation immédiate en bordure de l’enveloppe historique du village dont il porte atteinte à la beauté et à l’harmonie, les conditions spécieuses de vente des biens publics. La pétition souligne aussi qu’un projet cohérent et non destructeur aurait pu être édifié à l’intérieur même du secteur de « Bornée » sans affecter les biens publics de la Commune et concerner les seuls terrains privés.

Était aussi mentionnée la question récurrente des parkings supprimés par cette vente bénéficiant à la Société IMAPRIM.

Cette émotion a été traduite dans de nombreux articles de presse, accessibles sur les sites visés par le texte de la pétition.

(Pièce n°15-1)

  1. I – 5. LES CONSEQUENCES POLITIQUES

Sortant d’un précédent mandat, Madame Marie-Pierre BERTHIER avait rassemblé une liste unique pour les élections de mars 2020.

(Pièce n°16-1)

La contestation majoritaire du projet immobilier et la gestion autoritaire du Maire va susciter la démission de Conseillers municipaux entraînant des élections partielles en octobre 2020 pour 7 mandats sur 11 membres du Conseil Municipal

Sans doute, certains membres du Conseil Municipal avaient voté, lors du mandat précédent, le principe de la vente des biens communaux. Sans doute impressionnés aussi par la réaction publique, ils ont fait porter les débats de campagne sur les deux questions majeures concernant le programme immobilier et la construction d’une nouvelle capitainerie sur le port.

Les élections ont permis à 4 listes de se présenter :

– 5 élus démissionnaires (liste « Agissant ensemble – Agissant maintenant »)

– une liste composée de 4 membres adoptant une position médiane mais défavorable à la Maire.

– la liste de Monsieur BREUZA, Madame PARTE et l’égérie anti-programme immobilier, Madame Carine MUNDINA-TIRADO, voisine immédiate du projet, auteur d’un recours gracieux, conduisant l’Association anti IMAPRIM et ayant affiché sur sa propre maison des slogans particulièrement hostiles

– les 3 candidats de Madame la Maire

Seront réélus les 5 Conseillers démissionnaires, Monsieur BREUZA et Madame PARTE, 7 élus qui ont bien été perçus comme s’opposant au projet immobilier. Madame PARTE maintiendra d’ailleurs cette opposition à l’occasion des deux ventes sur le déclassement du terrain litigieux.

(Pièces n°16-2 et 16-3)

Pour des raisons qui révèlent un art consommé de la stratégie politique, le Maire a pu se maintenir dans son mandat sans démissionner et alors même que le message envoyé par les électeurs était particulièrement clair et transparent.

  1. I – 6. LA DELIBERATION DE REJET DU 11 DECEMBRE 2020

La Maire apportait rapidement et grossièrement dénégation au vote de la population en ordonnant la fermeture du parking public par la mise en place de barrières de chantier et en désaffectant ainsi son usage par décision arrêté affichée en mairie le 24 novembre 2020.

Pour parfaire la pré constitution de la preuve recherchée, cette désaffectation faisait l’objet d’un constat d’huissier en date du 1er décembre 2020.

Madame la Maire cherchait ensuite à faire délibérer le nouveau Conseil Municipal sur le déclassement de parcelles désaffectées quelques jours auparavant.

Cette décision était portée à l’ordre du jour du Conseil Municipal du 11 décembre 2020.

Le nouveau premier adjoint, Monsieur BREUZA, qui s’était présenté comme opposant à Madame la Maire de la Commune de NERNIER, expliquait :

« Qu’il ne participera pas à la délibération. Il justifie ce point en expliquant qu’il est amené à avoir des relations professionnelles avec la Société IMAPRIM. À ce titre, il ne souhaite pas prendre position afin que la délibération ne soit pas entachée d’illégalité »

En dépit des explications du Maire, le Conseil Municipal refusait d’adopter cette délibération permettant de constater la désaffection des parcelles et de prononcer leur déclassement du domaine public pour les transférer dans le domaine privé.

(Pièce n° 5)

Madame la Maire a laissé ferme le parking dont le Conseil Municipal avait refusé la désaffectation et le déclassement.

  1. I – 7. LA NOUVELLE DELIBERATION DU 05 MARS 2021 ET LES PRESSIONS DE LA SOCIETE IMAPRIM

La Société IMAPRIM et la famille de LEUSSE ont exercé une pression très conséquente sur le Conseil Municipal ensuite du refus de déclassement du domaine public.

Madame la Maire a d’abord organisé une réunion privée du Conseil en leur présence.

Par lettre du 22 février 2021, la Société IMAPRIM estimait que la Commune « n’avait pas respecté les termes de la promesse de vente et de son avenant, cités plus haut. En effet, la délibération constatant la désaffection et actant le déclassement des parcelles… devait intervenir « au plus tard le 31 mars 2019 »

Elle menaçait la Commune dans les termes suivants :

« Dans ces conditions, nous vous informons que nous avons saisi notre Avocat, le Cabinet ADAMAS et nous lui avons demandé de préparer l’assignation de la Commune de NERNIER pour faute et non-respect des obligations de la promesse de vente signée avec la Société IMAPRIM, avec demande de dommages et intérêts s’élevant à la somme de 1.200.000 € ».

« Compte tenu de l’ampleur du préjudice que les différents atermoiements de la Commune de NERNIER font subir à la Société IMAPRIM, nous vous mettons en demeure de nous transmettre avant le mardi 9 mars 2021 la délibération constatant la désaffection et actant le déclassement des parcelles cadastrées. »

(Pièce n°6)

Le Conseil Municipal était informé de cette mise en demeure au moment de son vote le 05 mars 2021 adoptant cette délibération par 8 voix contre 2 avec l’abstention de Monsieur BREUZA du fait de son conflit d’intérêt avec la Société IMAPRIM.

Il avait néanmoins pris une part importante dans les débats comme il résulte de ses interventions sur le Site Facebook le 31 janvier 2021 se rangeant en réalité aux arguments de droit de la Société IMAPRIM. Sa déclaration au Conseil Municipal du 30 octobre 2020 préjugeait déjà sa position impliquée par son soutien actif à sa colistière évincée, Madame Carine MUNDINA-TIRADO, dont l’hostilité au programme immobilier avait été particulièrement virulente.

(Pièce n°18)

Il est d’ailleurs précisé que certains membres du Conseil Municipal avaient explicité leur revirement par le fait qu’ils auraient été rassurés sur la question des écoulements d’eau alors même que le débat électoral n’avait pas porté sur des éléments ou des critiques accessoires au principe même du programme immobilier litigieux.

  1. I – 8. LA CREATION DE L’ASSOCIATION « NERNIER VERT » ET SES RECOURS

Estimant qu’avait été trahie la consultation électorale qui avait permis de défaire les candidats de Madame la Maire et d’élire ceux qui se présentaient comme hostiles à la réalisation du programme immobilier, des néroniens ont alors créé l’Association « NERNIER VERT » le 26 avril 2021 qui comprend aujourd’hui 80 membres.

(Pièces n°8, 9,10)

Constatant en effet que la démocratie locale avait été dévoyée par les positions « clochemerlesques » d’une partie du nouveau Conseil Municipal pour des raisons de pression, menace ou lâcheté, une partie de la population a constitué une Association de riverains dénommée « NERNIER VERT » qui a fait un recours gracieux à l’encontre de la délibération du 5 mars 2021 par lettre RAR du 3 mai 2021.

Ce recours a été rejeté par le Maire.

(Pièces n°3 et 4)

L’Association a ensuite fait recours en excès de pouvoir devant le Tribunal Administratif de Grenoble par lettre RAR du 6 juillet 2021.

La Société IMAPRIM a cru pouvoir intervenir dans l’Instance.

  1. I – 9. LA PRESENTATION DE SOLUTION PRETENDUMENT ALTERNATIVE

Parfaitement consciente de la faiblesse de la délibération prise pour déclasser les parkings publics de la Commune en vue d’édifier une promotion privée, les Consorts de LEUSSE ont offert provisoirement, pour l’Eté 2021, la mise à disposition du terrain classé agricole surplombant le port et donnant une large vue sur le Lac Léman pour l’affecter à un usage de parking provisoire.

Cette mise à disposition a fait l’objet d’une convention sous seing privé en date du 17 décembre 2020, soit après la délibération de rejet du Conseil Municipal.

(Pièce n°12)

Il est d’ailleurs singulier que pour être en conformité avec les délibérations, Madame la Maire de NERNIER avait maintenu la fermeture de l’ancien parking public par un dispositif de barrières et empêché ainsi le stationnement des villageois et des visiteurs.

Voulant à l’évidence préserver la pérennité de la vente consentie à la Société IMAPRIM et la modification en zone constructible de son terrain situé de l’autre côté du chemin de Péreuse, la famille de LEUSSE a voulu faire preuve de sa « générosité » en voulant céder gratuitement des terrains situés en amont du village pour les affecter à des parkings publics alors même qu’ils sont actuellement classés en zone agricole et boisée…. Et affectant la visibilité de la chapelle historique dite « Notre Dame du Lac ».

(Pièce n°14)

  1. I – 10. LA NOUVELLE PRESSION DE LA SOCIETE IMAPRIM

La Société IMAPRIM a fait délivrer par acte d’huissier le 20 octobre 2021 la lettre RAR que son Conseil a adressé à l’Association « NERNIER VERT » le 7 septembre 2021 pour l’enjoindre à se désister de son recours devant le Tribunal Administratif.

(Pièce n°19-1)

Par acte délivré le 28 décembre 2021, la Société IMAPRIM a assigné l’Association « NERNIER VERT » devant le Tribunal Judiciaire de Thonon-les-Bains pour demander sa condamnation à 1.781.973,48 € à titre de dommages et intérêts pour son recours prétendument abusif devant le Tribunal Administratif de Grenoble entrepris le 6 juillet précédent.

Le premier appel de cette affaire aura lieu le 3 mai 2022.

Cet acte a évidemment pour objet d’impressionner et de contraindre les membres de l’Association à renoncer à leur demande.

(Pièce n° 19-2)

  1. I – 10. LA DEMISSION DE MADAME LA MAIRE

Madame la Maire de NERNIER a démissionné de son poste au mois de décembre 2021.

Ainsi paraissait vérifiée la rumeur selon laquelle un pacte avait été passé permettant le maintien provisoire de la Maire restant membre du Conseil Municipal et l’élection du nouveau Maire, les 5 élus anciennement démissionnaires étant en minorité.

Pour expliciter sa démission, Madame la Maire publiait un communiqué où elle estime avoir été atteinte dans son mandat de Maire et à travers sa famille par de mauvais esprits qui n’avaient pas admis l’enjeu lié au projet immobilier de « Bornée »…

(Pièce n°20)

Monsieur BREUZA, pourtant atteint par un conflit d’intérêt avec la Société IMAPRIM a été élu Maire et Madame Marie-Pierre BERTHIER est devenue première adjointe en février 2022.

II – DISCUSSION

  1. II – 1. SUR LA RECEVABILITE ET LA QUALITE A AGIR DE L’ASSOCIATION

L’Association « NERNIER VERT » a été constituée par Assemblée Générale du 26 avril 2021.

Son Président est Monsieur Martin BAECHTOLD qui a le pouvoir de représenter l’Association et la qualité pour agir en justice en son nom.

(Pièces n°1 et 8)

Elle a été déclarée en Préfecture de hte-SAVOIE le 4 mai 2021.

(Pièce n°9)

Elle a le soutien de 80 membres, chiffre remarquable au vu de la population locale.

En conséquence, l’Association est justement représentée pour agir en justice contrairement à ce que soutient la Commune.

Celle-ci soutient aussi qu’elle n’aurait ni qualité ni intérêt à agir et qu’elle aurait un caractère fictif.

De l’aveu même de la Commune, dans les délibérations et positions énoncées ci-dessus, la suppression de l’espace parking situé sous couleur verte dans le plan qu’elle a inséré dans son mémoire (page 3) va rendre nécessaire la création de parkings alternatifs.

A titre provisoire, pour l’Eté 2021, la famille de LEUSSE avait mis à disposition gratuite un terrain agricole surplombant le port et le lac a immédiate proximité du bâtiment communal dite « ferme d’Autioche »

(pièce n° 12)

En outre, la famille de LEUSSE aurait promis de céder gracieusement des parcelles à destination agricole en amont de la zone bâtie pour créer des parkings alternatifs.

Un marché public a été passé pour faire les études préalables à ces aménagements estimés à 543.000 €. (pièce adverse n° 12)

Par un effet domino, la création du programme immobilier sur le domaine public de la Commune entraîne bien d’emblée et mécaniquement une atteinte aux espaces verts et agricoles de la Commune.

Elle remplit donc bien les deux critères géographique et statutaire.

En outre, son intérêt à agir entre dans un champ collectif sans que ne puisse être soupçonnée la défense d’intérêts privés ou même la constitution d’une Association « paravent ». Son objet est bien la défense de l’environnement sur le territoire de la Commune.

(CE. 28 décembre 1906. Syndicat des patrons coiffeurs de Limoge. Roc 977)

Il importe d’ailleurs peu que l’Association ait été constituée postérieurement à la délibération attaquée d’autant plus que le recours ne s’inscrit pas dans le champ de l’article L. 600-1 – 1 du Code de l’Urbanisme et porte sur une décision de déclassement de terrain public. L’Association n’a d’ailleurs pas caché qu’elle avait été constituée en réaction à la dernière délibération du Conseil Municipal par laquelle il a reviré sur le refus de déclassement voté en décembre 2020…

Même dans le cas de recours d’urbanisme, non applicable à l’espèce, la jurisprudence antérieure à la loi du 13 juillet 2006 était particulièrement tolérante sur la recevabilité des recours et alors même que le dépôt des statuts était postérieur à l’affichage en mairie de l’autorisation d’urbanisme querellée.

(CE 27 juillet 2005. Commune de Narbonne. Roc numéro 273815 – CE 25 juin 2013. Commune de Saillagousse. Roc numéro 233119 – CE 25 mars 1991. SCI le soleil Levant. Roc numéro 112031)

C’est donc en vain que la Commune de NERNIER tente de soutenir devant le Tribunal Administratif comme la Société IMAPRIM le fait devant le Tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains que l’Association serait « fictive ».

En conséquence, le Tribunal voudra bien recevoir le recours de l’Association « NERNIER VERT ».

  1. II – 2. SUR L’ILLEGALITE DE LA DELIBERATION ATTAQUEE
  • II-2-1 Sur les désaffectations du domaine public

L’article L. 21 41-1 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques (CGPPP) dispose :

« un bien d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 qui n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public ne fait plus partie du domaine public à compter de l’intervention de l’acte administratif constatant son déclassement ».

Il en résulte que pour mettre en œuvre la procédure de sortie des biens du domaine public, il convient d’abord de constater la désaffection matérielle de l’immeuble, c’est-à-dire que celui-ci est fermé et que le service public a cessé de fonctionner d’une part, prendre une décision expresse de déclassement, d’autre part.

Originairement, la Commune de NERNIER n’a pas contesté que les terrains entraient bien dans son domaine public pour être affectés aux parkings de la population et des visiteurs.

Par un artifice grossier rappelé ci-dessus, survenu après quelques jours avant la première délibération de refus de la majorité du Conseil Municipal de déclasser ces terrains, Madame la Maire de NERNIER a cru en interdire l’accès, ériger des barrières et faire un constat d’huissier pour établir la prétendue « désaffectation » du parking public.

Il résulte en effet de la délibération du 11 décembre 2020, que Madame la Maire a affiché un Arrêté le 24 novembre 2020 portant sur la fermeture du parking public et la mise en place de barrières de chantier matérialisant l’emprise du foncier à déclasser.

Par cette délibération, la majorité du Conseil Municipal n’a pas adopté le constat de désaffection de cette parcelle et leur déclassement.

(Pièce n°5)

Madame la Maire n’a pas exécuté cette délibération et a maintenu illicitement la désaffectation du domaine public.

La seconde délibération, prise sous la pression du promoteur le 5 mars 2021, vise pourtant la même désaffection refusée par le Conseil Municipal.

En conséquence, cette désaffection antérieure à la délibération du 11 décembre 2020 ne peut fonder celle du 5 mars 2021 qui encourt ainsi l’annulation.

En effet pour que l’acte express de déclassement soit licite, la condition nécessaire et préalable est que la dépendance domaniale a perdu son affectation.

(CE. 20 juin 1930. « Marrot » – Conseil Constitutionnel. Décision du 18 septembre 1986)

La nullité de cette décision unilatérale, prise contre la délibération du Conseil Municipal, affecte la validité de la délibération du 5 mars 2021 puisque la désaffectation provient d’une fraude à la première de rejet de la désaffectation et de déclassement.

Madame la Maire n’a donc pas exécuté la délibération du 11 décembre 2020 en maintenant la fermeture du parking public et en recherchant en effet avec les consorts de LEUSSE une solution incontournable de substitution du fait que sa décision unilatérale entraînera l’impossibilité, non seulement pour les visiteurs, mais surtout pour les résidents de jouir de l’ancien parking public.

Cette situation illicite est d’ailleurs aussi corroborée par le fait, après la délibération du 11 décembre 2020, la Commune de NERNIER, représentée par sa seule Maire a passé postérieurement une convention le 17 décembre suivant avec les consorts de LEUSSE pour qu’ils mettent à disposition précaire pour une année un terrain à destination agricole surplombant le port et alors même qu’à cette date le parking relevait toujours du domaine public communal.

(Pièce n°12)

La décision unilatérale du Maire, manifestement en fraude avec le refus de la délibération qu’elle avait essuyée, corrobore l’artifice de la fermeture du parking public dont la nécessité était ainsi établie.

Pour ce motif, la délibération sera annulée.

  • II-2-2. Sur le caractère vicié de la délibération

Le bénéficiaire de la délibération, la Société IMAPRIM, intervenante volontaire dans l’instance, s’est rendue coupable de pressions inadmissibles sur le nouveau Conseil Municipal qui avait déjà refusé le déclassement du domaine public affecté à l’usage de parking (cf supra).

La lettre qu’il a adressée au Maire le 22 février 2021 repose sur un dol puisqu’elle fait une interprétation particulièrement fallacieuse de la condition suspensive de la promesse de vente du 7 mai 2018.

À tort, le promoteur immobilier soutient que la Commune se serait obligée à déclasser les terrains alors à destination de parkings publics.

Dans la promesse de vente du 07 mai 2018, la Maire n’avait évidemment pas le pouvoir d’engager le vote futur du Conseil Municipal.

La condition suspensive ne porte justement que sur l’engagement de porter à l’ordre du jour du Conseil Municipal la question de ce déclassement, et non sur l’obligation dudit Conseil de faire un vote conforme aux vœux du promoteur immobilier.

En conséquence, aux termes de cette promesse de vente, le Conseil Municipal restait libre de son vote.

La Société IMAPRIM a donc trompé les membres de ce Conseil, qui venaient justement de refuser ce déclassement, en les menaçant d’une poursuite judiciaire à défaut de votre conforme et aux fins de rechercher la responsabilité de la Commune en sollicitant des dommages et intérêts de 1.200.000 €.

(Pièce n°6)

On peut donc comprendre que les Conseillers municipaux ont été effrayés par les conséquences financières d’un vote qu’ils auraient pris pour confirmer leur refus de désaffectation et de déclassement des parcelles du domaine public. (cf. supra)

Force est d’ailleurs de constater qu’après la délibération litigieuse, et au vu du manque de projet alternatif de parking qui aurait justifié cette décision, le promoteur et les Consorts de LEUSSE ont voulu offrir des solutions alternatives d’abord provisoires puis par la cession gracieuse de terrains agricoles…

Si on peut comprendre la réticence de ces élus à afficher les raisons de leur revirement inattendu, on ne peut en revanche admettre que le vote n’ait pas eu lieu dans des conditions de sérénité, de transparence et d’indépendance.

On rappellera que le premier adjoint, aujourd’hui Maire de la Commune, avait déclaré le conflit d’intérêt qu’il a avec la Société IMAPRIM, justifiant son abstention et alors même que cette situation n’avait pas été déclarée avant son élection…

Dans son recours gracieux, l’Association a justement fait état de cette situation trouble affectant la démocratie locale. En outre, la Société IMAPRIM a persisté dans ses méthodes puisqu’après la mise en demeure signifiée par acte d’huissier de justice, elle a assigné l’Association « NERNIER VERT » devant le Tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains en sollicitant à son encontre une indemnité faramineuse de 1.700.000 € pour le prétendu retard apporté par le recours depuis le mois de juillet 2021.

Dans son mémoire devant le Tribunal, elle fait état d’un retard de quatre années qui n’est pas imputable à l’Association requérante, mais bien à la Commune, voire ses électeurs !

On rappellera d’ailleurs que ce retard était d’abord imputé par la Société IMAPRIM à la Commune elle-même dans la lettre du 22 février 2021 faisant état de la date ultime du22 février 2019.

(Pièce n°6)

Cette pression affecte la validité de la délibération prise par le Conseil Municipal.

  • II-2-3. Sur l’erreur manifeste d’appréciation

Il convient d’abord d’observer la validité de l’acte querellé doit s’apprécier au jour où il a été adapté.

Au jour de la désaffection alléguée du domaine public et de son déclassement par la délibération du 5 mars 2021, la Commune ne disposait plus de parking public. Madame la Maire avait été contrainte de passer une convention d’occupation précaire avec les consorts de LEUSSE sur un de leur terrain classé en zone agricole.

C’est dire que sans aucune garantie ni solution pérenne le Conseil Municipal abandonnait l’affectation du parking public pour le déclasser.

En votant dans ces conditions la désaffectation et le déclassement du domaine public, le Conseil Municipal a manifestement commis une erreur d’appréciation puisqu’il abandonnait le parking public à immédiate proximité du village historique en privant ses résidents d’un stationnement accessible et sans leur offrir une solution alternative pérenne.

La Commune en était d’ailleurs parfaitement consciente puisqu’elle recherche des solutions alternatives offertes à nouveau par les consorts de LEUSSE, sans doute soucieux de préserver leurs intérêts bien compris, notamment la réalisation du programme immobilier de la Société IMAPRIM et la deuxième opération immobilière dénommée « NER 2 » permettant la construction prochaine de 25 logements supplémentaires.

(Pièce n°13 pages 245 et 246)

Par marché public passé le 20 mai 2021, la Commune a confié à la Société « ECR environnement Centre Est » l’étude de l’extension et la création d’un nouveau parking situé en zone agricole et boisée et déjà estimé à un cout de 520.000 € HT. (pièce adverse n° 12)

Contrairement à ce qui est soutenu par la Commune, le parking, éloigné du village historique, n’a pas fait l’objet d’un emplacement réservé au PLUi. tout est prévu la création d’un chemin piétonnier.

En outre, le coût même de ce parking de substitution va absorber l’essentiel du produit de la vente des biens communaux. (cf infra)

Ensuite, la création du nouveau parking se fera en zone agricole, alors que les prescriptions d’urbanisme ne le permettent pas. Cette nouvelle affectation d’une zone boisée et agricole sera aussi de nature à affecter l’environnement et le patrimoine de la Commune.

Cette extension serait ainsi faite en zone naturelle, de surcroît boisée et compromettant de surcroît la visibilité et l’environnement naturel de la chapelle emblématique de « Notre dame du lac ».

(Pièce n°14 – plan)

Or, il est constant que la réalisation des aires de stationnement en zone A ou N du PLU est illégale et que toute autorisation de construire le parking s’exposerait à une procédure en annulation.

(CAA Douai. 10 décembre 2019. Roc. N°18 DA00286)

Le déclassement du parking existant et ses conséquences directes relèvent donc d’une erreur manifeste d’appréciation entrainant l’annulation de la délibération contestée.

Le Tribunal annulera la déclaration de déclassement du domaine public si elle révèle une erreur manifeste d’appréciation, comme c’est le cas d’espèce alors même que l’utilité publique du parking existant n’a pas été protégée.

  1. II – 3. SUR LA NULLITE DE LA PROMESSE DE VENTE DU 07 MAI 2018

La délibération attaquée autorisant le déclassement du domaine public est en lien direct avec la promesse de vente reçue le 7 mai 2018 et dont elle constitue une condition suspensive.

En conséquence, l’Association requérante soutient qu’elle peut solliciter l’annulation de la promesse de vente au titre de « la théorie des opérations complexes ».

En l’espèce, il n’y a non seulement une succession de décisions ayant un lien entre elles, mais l’intervention initiale du compromis de vente est nécessaire au déclassement du domaine public qui en constitue la condition suspensive.

L’Association « NERNIER VERT » demande l’annulation de cette promesse.

  • II-3-1. Sur la légalité externe

Sous peine de nullité, la promesse doit comporter des clauses précisant que l’engagement de la personne publique propriétaire reste subordonnée à l’absence, postérieurement à la formation de la promesse, d’un motif tiré de la continuité des services publics ou la protection des libertés auquel le domaine en cause est affecté qui imposerait le maintien du bien dans le domaine public.

Force est de constater que cette clause ne figure pas dans cette promesse qui encourt ainsi la nullité et alors même qu’elle en constitue la garantie, notamment pour la continuité du service public de parking.

Il a été d’ailleurs démontré que pour des raisons de classement urbanistique des parcelles qui se substitueraient au parking public supprimé, celles-ci ne pourraient être affectées à cette destination.

En outre, au moment de la promesse, aucune solution alternative n’avait été proposée. Madame la Maire de NERNIER et les consorts de LEUSSE se sont ensuite empressés d’improviser des solutions ensuite de la première décision de refus de déclassement de décembre 2020.

La présence de cette clause s’imposait donc particulièrement à l’espèce.

Son absence doit bien entraîner la nullité de la promesse de vente.

  • II-3-2. Sur la légalité interne

Le prix offert par la Société IMAPRIM est à l’évidence minoré par rapport à la valeur vénale des immeubles cédés.

Au visa de l’article L. 2121 – 25 du Code Général des Collectivités Territoriales, la Commune de NERNIER s’est abstenue de solliciter l’avis du service des Domaines.

La Maire a sans doute commis une imprudence, même si aucun texte ne lui imposait de consultation ou même de mise en concurrence.

En l’espèce, le prix de vente de 750.000 € est important puisqu’il est supérieur au seuil de 180.000 € fixé par l’article L. 13 11-9 du CGCT.

Dans ces circonstances, le contrôle du juge est particulièrement nécessaire d’autant plus que l’opération ne pêche pas par sa totale transparence, principal motif de la démission de 5 conseillers municipaux (cf. Supra).

La jurisprudence retient que le Juge Administratif est compétent pour se prononcer sur une éventuelle erreur manifeste d’appréciation commise dans l’évaluation du prix.

La vente porte sur des terrains constructibles d’une surface de 33 a 16 ca pour un prix de 750.000 €, soit un prix de 226 € / m², assez éloigné d’un prix médian de 400 €/ m² sur la Commune très prisée de NERNIER.

Il suffit d’ailleurs de relever que les prix de revente prévisible des appartements qui seraient édifiés par la Société IMAPRIM se situeraient au moins dans la tranche de 5000 / 6000 € m².

Du prix de vente des biens communaux doivent en outre être soustraites les charges restant à la Commune pour substituer à l’ancien parking l’aménagement et la création d’un nouvel ouvrage à l’entrée de la Commune vers la « Chapelle Notre Dame du Lac ».

Il résulte du marché public passé avec la Société « ECR Environnement Centre Est » que le coût prévisible de la création d’un parking et le réaménagement de celui existant est évalué à 520.000 € HT, outre le coût de l’étude d’un montant de 23.964 € TTC. (Pièce adverse n°12)

C’est dire que le bilan final de l’opération est particulièrement négatif puisque les deux tiers du prix de vente sont absorbés par le coût de réalisation des seuls parkings de substitution nécessaires aux résidents et aux visiteurs.

Le solde restant à la Commune est donc de 200.000 €, ramenant le prix net/m² à la somme résiduelle de 60 € / m².

La seule imputation de la charge foncière concernant le prix du terrain affecté à la construction de logements sociaux, et qui n’a d’ailleurs pas été distingué dans la promesse de vente, ne peut justifier cette minoration très considérable.

On prendra, par comparaison, l’exemple d’une cession qui a eu lieu sur la Commune de VEIGY-FONCENEX, elle-même frontalière, de terrains opportunément reclassés constructibles pour la construction de logements sociaux moyennant le prix de 1.650.000 €.

(Pièce n° 21)

La seule affectation d’une partie des biens communaux vendus à la construction de 8 logements sociaux ne suffit en soi de justifier le prix dérisoire de 50.000 € si on en croit l’offre qui avait été formulée par la Société IMAPRIM pour l’acquisition et la destruction de l’ancienne école (affectée d’ailleurs à ce jour à des logements et à une salle commune).

Il s’agit en outre d’un avantage conséquent consenti à la Société IMAPRIM, sans charges foncières et présenté comme la contrepartie pour elle de réaliser son programme immobilier sur les terrains de la Commune et ceux de la famille de LEUSSE.

La cession pour la Commune d’un bien immobilier pour un prix inférieur à sa valeur peut être justifiée par des motifs d’intérêt général et comportant des contreparties suffisantes.

(CE 14 octobre 2015 numéro 3755 77 Châtillon sur Seine)

Encore faut-il que la valeur d’un abandon de droit soit prise en compte.

(CE 13 septembre 2021 numéro 4396 53. Commune de Bourdon)

En l’espèce, cet abandon est disproportionné par rapport au bénéfice tiré par la Commune et qui est surtout profitable à la Société IMAPRIM, en dépit de ses dénégations notamment dans la lettre adressée au Tribunal le 21 janvier 2022.

En outre, le prix de vente aurait au moins pu être affecté à la réalisation de logements sociaux pour permettre à la Commune de rattraper son retard conséquent en la matière. Au contraire, la réalisation de 35 logements supplémentaires va encore accroitre la proportion défavorable de logements sociaux de la Commune.

La cession des biens communaux ne peut donc pas être justifiée pour une prétendue politique sociale.

En conséquence, le Tribunal voudra bien juger que le prix est affecté d’une erreur manifeste d’appréciation et annuler la promesse de vente.

  • II-3-3. Sur les frais irrépétibles

Le Tribunal voudra bien allouer à l’Association requérante la somme de 5.000 € au titre de l’article L 761-1 CJA.

PAR CES MOTIFS

RECEVOIR la requête de l’Association « NERNIER VERT ».

ANNULER la délibération du 5 mars 2021 prise par le Conseil Municipal de la Commune de NERNIER.

ANNULER la promesse de vente authentique du 7 mai 2018.

CONDAMNER la Commune de NERNIER et la Société IMAPRIM chacune à la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles.